
Construire un écosystème favorable à la santé menstruelle
Note de la rédaction : Ce blog est également disponible en anglais.
Le 28 mai de chaque année est reconnu à l’échelle mondiale comme la Journée de l’hygiène menstruelle. Cette journée nous rappelle l’urgence de construire un écosystème solidaire où l’éducation menstruelle, l’accès à des produits d’hygiène menstruelle, des infrastructures adaptées et le soutien communautaire convergent pour faire des menstruations, communément appelées règles, un sujet normalisé, compris et respecté.
Menstruations : une réalité complexe, des réponses superficielles
Malgré une prise de conscience croissante, les réponses apportées aux défis que rencontrent les filles en lien avec les menstrues demeurent souvent superficielles, fragmentées et insuffisamment intégrées. Trop fréquemment, elles se résument à quelques heures de sensibilisation ponctuelle et à la distribution sporadique de serviettes hygiéniques. Bien que ces actions soient importantes, elles ne permettent pas de répondre à l’ampleur ni à la complexité des enjeux.

Quand le naturel devient honteux
Selon l’UNICEF, les menstruations sont un processus biologique naturel et sain que la majorité des filles et des femmes vivent au cours de leur vie. Pour les filles, ce processus débute à la puberté, marquant la transition de l’enfance vers l’âge adulte, où le corps commence à se préparer à la reproduction. Le rapport mondial de l’UNICEF et de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) intitulé Progrès en matière d’eau potable, d’assainissement et d’hygiène dans les écoles 2000-2023 : focus spécial sur la santé menstruelle révèle que des millions de jeunes filles dans le monde n’ont pas connaissance des menstruations ou n’y sont pas préparées avant d’avoir leurs premières règles. Ce déficit d’éducation menstruelle, alimenté par des croyances néfastes et des mythes profondément enracinés, transforme un processus naturel en une expérience traumatisante, perçue comme honteuse et sale. Dans plusieurs communautés africaines, les règles sont encore perçues comme impures, entraînant des pratiques d’exclusion, d’interdiction de participer à des activités sportives, de cuisiner, d’entrer dans des lieux de culte ou même de partager des espaces communs.
Accès à l’éducation en période de règles : un droit bafoué
Selon le rapport conjoint de l’UNICEF et de l’OMS, les produits d’hygiène menstruelle ne sont pas toujours facilement accessibles, et nombreuses sont les filles qui n’ont pas les moyens de se les procurer. En Afrique subsaharienne, par exemple, seule une école sur huit (soit 12 %) fournit des produits d’hygiène menstruelle gratuits ou payants. De plus, l’absence d’infrastructures adéquates en eau, assainissement et hygiène, dans les écoles ainsi qu’un environnement marqué par la stigmatisation ou les moqueries, poussent beaucoup d’entre elles à manquer l’école. Ces absences répétées nuisent à leur rendement scolaire et augmentent le risque d’abandon scolaire. À cela s’ajoute la douleur menstruelle, trop souvent vécue en silence. Sans accès aux soins de santé, à des médicaments appropriés ou à une oreille attentive, les filles sont contraintes de supporter leur souffrance dans l’ombre.
Education menstruelle : l’inclusion des garçons pour un avenir sans stigmatisation
Les garçons sont fréquemment exclus des conversations sur la puberté et les règles. Une étude menée au Ghana montre que plus de la moitié des adolescents garçons interrogés avaient des croyances et des attitudes négatives sur les menstruations. Cette ignorance conduit souvent à des moqueries, renforçant la stigmatisation et le silence des filles. Inclure les garçons dans l’éducation menstruelle est crucial pour la construction de communautés solidaires, respectueuses et inclusives.

Et si on adoptait une approche communautaire et inclusive?
A Global Fund for Children, nous pensons qu’il est temps d’aller au-delà des réponses ponctuelles et de s’engager dans une démarche durable, inclusive et centrée sur les communautés. C’est dans cette optique que nous accompagnons les organisations communautaires dans le développement de programmes éducatifs et participatifs visant à:
- renforcer les connaissances des filles et des garçons sur la puberté, les cycles menstruels et la santé sexuelle et reproductive.
- promouvoir une hygiène menstruelle saine, pratique et digne, sans honte ni stigmatisation.
- impliquer activement les garçons en tant qu’alliés du changement social.
- éduquer sur les filles et les garçons sur la notion de consentement, les relations respectueuses et la prise de décisions éclairées par rapport à leur vie sexuelle.
En Côte d’Ivoire et en Guinée, par exemple, nous avons accompagné nos partenaires dans l’élaboration et la mise en œuvre d’un programme étalé sur tout le mois de mai, visant à créer des espaces sûrs — en présentiel comme en ligne — où les filles et les garçons peuvent apprendre ensemble, poser librement leurs questions, déconstruire les tabous liés aux menstruations, et co-construire une culture fondée sur le respect, l’égalité et la solidarité.

Briser le silence autour des menstruations nécessite aussi une mobilisation communautaire forte et inclusive. Nos partenaires, conscients que le changement durable ne peut venir uniquement des jeunes, travaillent activement avec les parents, les enseignant·e·s, les chefs religieux et les leaders communautaires pour favoriser une prise de conscience collective. Cette approche communautaire permet non seulement de déconstruire les mythes et les tabous liés aux règles, mais aussi de co-construire un environnement où la santé menstruelle est un sujet normalisé, respecté et soutenu dans tous les espaces de vie — à la maison, à l’école, dans les lieux de culte et au sein des communautés.
Et si on repensait la journée mondiale de l’hygiène menstruelle ?
Plutôt que de limiter la Journée de l’hygiène menstruelle à des gestes symboliques, des actions ponctuelles et à la distribution des serviettes hygiéniques, saisissons cette occasion pour réfléchir à des solutions durables qui incluent:
- plaider pour l’intégration de l’éducation à la santé menstruelle dans les programmes scolaires ;
- former les enseignant·e·s à en parler avec respect, sans jugement ni gêne.
- améliorer l’accès à l’eau, à l’hygiène et à des toilettes adaptées dans les écoles.
- offrir un accompagnement médical, psychologique et émotionnel aux adolescentes, notamment en cas de douleurs, de troubles ou de détresse liée à leurs règles.
- éduquer l’ensemble de la communauté pour briser les tabous et bâtir un écosystème solidaire et sans stigmatisation.
Repenser la Journée mondiale de l’hygiène menstruelle, c’est choisir d’affronter les tabous, de déconstruire les mythes tenaces, et de proclamer haut et fort que chaque fille a le droit de vivre ses règles dans la dignité, le respect et la sécurité.
En Afrique de l’Ouest, Global Fund for Children soutient 13 organisations communautaires réparties dans quatre pays francophones et anglophones de la sous-région. Notre appui inclut des financements flexibles ainsi que des actions de renforcement des capacités. Nos partenaires travaillent avec et pour les enfants, les adolescents et les jeunes, en les plaçant au cœur de leurs initiatives afin de faire progresser leurs droits, d’amplifier leurs voix et de promouvoir leur bien-être général.