Grossesses en cours de scolarité : Comment les partenaires de GFC changent la donne en Côte d'Ivoire.


Par Amé Atsu David, Co-Directrice, région Afrique, Ramanou Babaédjou, partenaires AFMEF.

Note de la rédaction : Ce blog est également disponible en anglais.

La question des grossesses en cours de scolarité reste un défi majeur en Côte d'Ivoire. En juin 2024, le Conseil National des Droits de l'Homme (CNDH) a recensé 4173 cas de grossesses chez des filles scolarisées, dont 408 dans la région du Tonkpi. Ces chiffres alarmants mettent en lumière l’urgence d’agir pour protéger l’éducation des filles.

Depuis 2022, un groupe d'organisations locales sous l'égide de l'Alliance du Fleuve Mano pour l'Éducation de la Fille (AFMEF), soutenu par Fonds mondial pour l'enfance, œuvre dans la région de Tonkpi, pour résoudre ce problème. Grâce à des stratégies innovantes et une approche communautaire, des résultats tangibles commencent à émerger. Voici un aperçu de ce qui est mis en place et des impacts déjà visibles.

Une approche holistique pour prévenir les grossesses en cours de scolarité

L'AFMEF a opté pour une approche holistique en s'attaquant aux racines des problèmes rencontrés par les filles dans leur parcours éducatif et en mettant en place des actions transversales dans divers domaines. Ces stratégies ne se limitent pas à des sensibilisations sporadiques, mais vont plus loin en impliquant activement tous les acteurs concernés, y compris les filles elles-mêmes. Elles visent à surmonter les obstacles sociaux, culturels et psychologiques qui freinent leur éducation. Cette démarche holistique comprend :

1. Renforcement de la confiance et de l'autonomie des filles

Les programmes mis en œuvre par l'AFMEF mettent un accent particulier sur le mentorat, le développement du leadership et l'autonomisation des filles. Ces programmes permettent aux jeunes filles de prendre conscience de leurs droits, d'apprendre à gérer leur corps et de développer une meilleure estime de soi ainsi que leur leadership. Par exemple, Leila Soumahoro, une élève de Man,
témoigner :

« Au cours de nos formations, plusieurs thèmes ont été abordés, mais celui qui m'a le plus marqué est celui de l'estime de soi. L'estime de soi représente l'importance que l'on accorde à sa propre personne et à la valeur qu'on se donne.

Les filles participent activement à la création de solutions pour surmonter les défis qu'elles rencontrent, notamment les mariages précoces, les harcèlements sexuels ou les pressions liées à la sexualité précoce. Ce processus de co-création renforcer leur autonomie et leur capacité à prendre des décisions éclairées et à chercher de l'aide.

Une adolescente s'exprime lors du Sommet francophone des filles adolescentes. @Union des Jeunes Dynamiques de Man.
2. Implication des garçons dans la lutte pour l'égalité des sexes

Un autre axe fondamental est l'implication des garçons dans la promotion de l'égalité des sexes. Plutôt que de considérer les garçons comme simples spectateurs, l'AFMEF les engage à reconnaître leurs responsabilités et à devenir des alliés actifs dans la réduction des violences sexuelles et des grossesses non désirées. Noël Blé, un élève de Man, a ainsi changé son comportement grâce aux programmes d'éducation complète à la sexualité (ECS) :

« Avant, je n'avais pas de respect pour les filles : je publiais des photos inappropriées et faisais des blagues à connotation sexuelle et sexiste. Depuis que je participe aux programmes d'ECS de l'ONG Association pour le Développement et la Promotion de la Famille (ADPF) à Man et que j'ai pris part au mini-sommet des filles adolescentes organisé à Man en juillet 2023, ma vision a complètement changé. Aujourd'hui, je suis devenu plus respectueux envers les filles et je me considère même comme un activiste engagé pour la promotion de leurs droits.

3. Collaboration avec les écoles et le plaidoyer pour l'enseignement de l'ECS à l'école

L'éducation complète à la sexualité (ECS), appelée Éducation à la Santé et à la vie Saine (ESS) en Côte d'Ivoire, est un outil puissant pour protéger la santé des jeunes. Selon l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), elle enseigne aux enfants et aux jeunes les connaissances, compétences et comportements nécessaires pour préserver leur bien-être. Bien que la Côte d'Ivoire ait intégré l'ESS dans les programmes scolaires, son enseignement reste insuffisant, principalement en raison du manque de formation des enseignants. Pour pallier ce déficit, les organismes de l'AFMEF collaborent avec les écoles secondaires et les autorités locales, telles que l'Inspection de l'enseignement primaire (IEP) et les Directions régionales de l'Éducation et de l'Alphabétisation (DRENA), afin d'anciens enseignants à aborder ces matières de manière adéquate et interactive.

Je constate que l'animation de l'ECS a modifié positivement le comportement des élèves qui participent aux sessions de l'Union des Jeunes Dynamiques de Man (UJDM). Ces élèves sont devenus aujourd'hui des leaders, des références pour moi. J'ai même décidé d'étendre l'enseignement de l'ECS à toutes les filles de mon établissement.

Monsieur Alain ZIKAGBEU, Directeur des études du Collège des Professeurs à Man.

Monsieur Raoul Robalé Adjilétier, Secrétaire Général de la DRENA de Danané, partage son engagement :

«Nous souhaitons que la création et l'animation des espaces sûrs d'apprentissage des élèves soient pérennisées et étendues à d'autres départements de la région du Tonkpi.»

4.  Collaboration avec les communautés

Dans plusieurs villages, l'absence d'écoles secondaires oblige les adolescents à quitter leur communauté pour se rendre en ville, où ils se retrouvent souvent sans soutien familial, ce qui les expose à des vulnérabilités importantes. Les filles sont particulièrement vulnérables à l'exploitation sexuelle pour survivre. Pour remédier à cette situation, l'AFMEF sensibilise les communautés locales sur l'importance de soutenir l'éducation des filles et les aider à créer des Association de Valorisation de l'Entraide Communautaire (AVEC) qui leur permet de générer des revenus pour soutenir l'éducation de leurs enfants, en particulier des filles.

Madame Germaine Camara, responsable du groupe AVEC Zoueudo de Petit Danané, explique :

« Avant, nous faisons face à de grandes difficultés pour scolariser nos enfants. Grâce au soutien de l'ONG Siloé, nous avons choisi de nous unir au sein de l'initiative AVEC et de créer des groupements agricoles. Aujourd'hui, ces groupements nous permettent non seulement d'épargner et de faire des prêts, mais aussi de scolariser nos enfants.

Amé Atsu David (deuxième à partir de la droite), co-directrice régionale de GFC pour l'Afrique, avec des adolescentes lors du Sommet francophone des filles adolescentes. @Union des Jeunes Dynamiques de Man.
Des résultats concrets et prometteurs

Les premières retombées de ces initiatives sont déjà visibles. Monsieur Alain Zikagbeu, directeur des études au Collège des Professeurs de Man, témoigne :

«Je peux affirmer avec certitude que les actions de l'UJDM ont contribué à l'absence de grossesse déclarée dans notre collège cette année, contrairement aux années précédentes où plusieurs cas étaient recensés.»

Cela montre que, lorsque les filles sont soutenues et qu'elles sont entourées de mentors, de paires bienveillantes et de communautés engagées, il est possible d'enrayer des phénomènes aussi dramatiques que les grossesses précoces. Ces actions innovantes et leur impact tangible soulignent l'importance de soutenir et d'étendre ces initiatives.

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